La téléphone addictude
Moi : T’es ou ? Hein, t’es ou ?
La p’tite voix : Non, non, Moi ne joue pas à cache-cache, Moi téléphone. Ben, oui, avant, quand les téléphones étaient reliés au mur du salon par un fil, on avait tout loisir d’imaginer son interlocuteur, assis sur un tabouret, le nez tourné vers le guéridon que se partageaient un gros téléphone gris et le répertoire. Aujourd’hui, c’est finit, l’interlocuteur est libre comme l’air et peut vous répondre de n’importe ou.
M : Qu’est-ce que tu dis ? J’t’entends pas.
LPV : Du coup, le n’importe où provoque parfois du n’importe quoi. Entre les grands espaces où la ligne ne passe pas, les petits où la surpopulation environnante parasite votre communication, le dialogue est souvent très limité. « Je scrutch au Vé…é » qu’on vous dit – « Qu’est-ce que tu fais au Velay ? T’es déjà en vacances ? Ca gaze ?» que vous dites « Non, je suis aux vécés ( !!) j’te rappelle. » qu’on vous répond. Ah le progrès, y’a pas de limite au rapprochement des hommes !
M : Tiens, j’ai un message : « Qu’est-ce que tu fous ? J’ai essayé sur ton fixe, sur ton portable pro, sur ton portable perso. Pourquoi tu réponds pas ? Ca fait trois messages que je laisse. Rappelle-moi. »
LPV : Et voilà. Tous ces téléphones, c’est un fil à la patte. Les gens ne supportent plus de ne pas vous trouver à l’autre bout du fil. Du coup, ils s’imaginent des choses, s’angoissent, stressent. Alors que vous étiez tranquillement avachie dans la salle obscure d’un ciné, à vous délecter du dernier Woody Alen en vo (j’suis une intello, j’y peux rien !), vous vous retrouvez agressée par vos messages dès la fin du film. Ah, le bonheur, c’est simple comme un coup de fil….
M : Non, j’suis pas chez moi… Ah, tu voulais passer… oui, c’est dommage… une autre fois alors.
LPV : Moi, qui aime qu’on lui foute une royale paix quand elle profite d’une journée paresse en pyjama confort (les plus confortables ne sont pas les plus glamours...), n'hésite pas à mentir au téléphone (elle s’en repentira un jour, mais c’est pas le sujet du moment). Ceci est encore possible tant que les téléphones ne synchronisent pas la caméra à la conversation. Mais bientôt, il faudra créer chez soi de petits espaces façon j’suisailleurs pour pouvoir décrocher et fuir l’incruste qui cherche à partager votre plateau télé du dimanche soir. Imaginez un peu la suite : être obligée de se recoiffer avant de répondre, ne plus pouvoir décrocher dans son bain sans que la communication vire au téléphone rose. Le progrès, c’était pas censé nous rendre la vie plus douce ?
Bon, je passe une robe décente, j’me maquille un peu et on s’appelle !